mercredi 8 août 2007

S'évader

Mes yeux ne s'ouvrent pas. Je n'en ai aucun besoin et aucune envie d'ailleurs. J'ai de la peine à comprendre pourquoi on m'en a mis deux puisqu'ils sont inutiles. Là où je me trouve, il n'y a ni lumière, ni noirceur alors pourquoi des yeux? Cette bosse et ses deux orifices au milieu de mon visage, pourquoi est-elle là? Parfois, je joue à mettre mes minuscules doigts dans ses trous et c'est bien la seule utilité que j'y ait trouvé jusqu'à maintenant. C'était donc ici que me menait mon grand voyage! Avant d'être dans cet oeuf douillet, je me trouvais au milieu de millions de mes congénères dans un monde lointain. Le chef de la bande nous répétait sans cesse que la fin du monde allait bientôt survenir et que nous étions, tous autant que nous sommes, destinés à nager sans fin, à la recherche d'un certain oeuf pour assurer notre survie. «Nagez mes amis! Quand le grand moment arrivera, nagez jusqu'à épuisement! Malgré les embûches, ne cessez surtout pas de nager!! Votre survie en dépend. Nager et trouver l'oeuf est votre seul et unique but!». Voilà ce que nous disait avec insistance, le chef de la bande. Plusieurs convois étaient partis avant nous et aucun n'était jamais revenu de ce voyage. Un jour, la fin du monde arriva. Il y eut dabord un bruit sourd, comme un tambour qui résonnait de plus en plus fort et de plus en plus vite. Puis c'est arrivé. Une gigantesque secousse nous propulsa dans une force inimaginable à travers une réseau de canaux énormes. La chaleur qui y régnait était suffoquante et à la limite du supportable. Au bout d'un long moment à n'avoir aucun contrôle de notre direction, la poussée s'estompât. Au loin, nous entendîmes alors le chef de la bande nous crier de nager et de trouver l'oeuf. Telle une armée de petits soldat déterminés, nous nous mîmes à nager. Certains d'entre nous n'eurent pas la force de se rendre jusqu'au bout. Je croisai un nombre impressionnant de mes congénères morts d'épuisement. Pour ma part je continuai à nager. Nager et trouver l'oeuf, voilà tout ce qui m'intéressait. Je jetai un coup d'oeil derrière moi et vit que nous n'étions plus que le tiers à nager encore. Je me souviens de la course interminable à travers d'innombrables passages. À bout de force, j'allais bientôt renoncer à trouver cet oeuf dont on m'avais tant parlé quand je fonçai tête première dans un mur spongieux. Quelque peu sonné, je mis un moment à retrouver mes esprit. Je m'apprêtais à me laisser aller sur le sol et à abandonner la course quand je réalisai que je venais de trouver ce que nous cherchions tous: L'OEUF! Il était là, devant moi. Je tournai la tête pour voir combien de nous s'étaient rendu jusqu'à lui et quelle ne fut pas ma surprise de voir un deuxième oeuf! On ne m'avais jamais parlé de lui! Un des soldat se démenait pour percer la paroie et je vit sa tête pénétrer l'oeuf. Un autre tentait de passer à travers le mur du tunnel où nous nagions croyant qu'il sagissait de l'oeuf en question. Plusieurs d'entre nous étaient déjà morts d'épuisement dans l'indifférence générale. Je réalisai qu'il ne fallait plus perdre mon temps quand je vit que le soldat du deuxième oeuf avait réussi à le pénétrer. Il n'en restait qu'un et il était à moi! Je rassemblai toutes mes forces et fonçai tête première dans l'oeuf, forçant autant qu'il m'était possible pour le percer. Je sentis une faille se créer dans les tissus et je m'enfonçai quelque peu. Déjà, un autre soldat tentait de pénétrer mon oeuf. Je redoublai d'effort et ma tête s'enfonça entièrement, puis mon corps et avant que je ne le réalise moi-même, j'avais réussi! J'étais entré! J'avais mon oeuf! Je tentais de reprendre mon souffle quand un grand éclair me transperça tout entier. Je sentit mon corps bouillir et se disloquer. Jamais épreuve aussi violente ne m'avait été donné de vivre. Je ne sais plus quand exactement je perdis conscience. Tout ce que je sais, c'est que lorsque je me réveillai, je flottais au milieu d'un doux liquide. Mon corps était guéri et avait même pris une nouvelle forme. La tiédeur, le confort, la sécurité... Je me trouvais dans l'oeuf et j'y resterais pour toujours...

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